16 février 2006

Voyages-sncf.com, une e-locomotive

par Mathieu Magnaudeix

Son site de tourisme bouscule l’image et les habitudes de la SNCF, l’entraînant à la pointe de la modernité. Un peu trop vite, peut-être, au gré de certains cheminots.

« Un internaute sur quatre vient chez nous, un e-acheteur sur deux achète chez nous. » Mathias Emmerich, le directeur général de Voyages-sncf.com peut bomber le torse. Lancé en 2000, le site de la SNCF a fait l’an dernier un bénéfice net de 11,5 millions d’euros, se hissant à la deuxième place des e-commercants français derrière eBay. Les gourous du secteur lui doivent une fière chandelle, et le reconnaissent : « Le site a démocratisé et tiré l’e-commerce », juge Antoine Boulin, DG d’une filiale de Lycos. « Il a converti les internautes à l’achat en ligne », salue Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de Priceminister.

Croissance gargantuesque
En fréquentation, Voyages-sncf.com terrasse Lastminute et autres spécia­listes du tourisme en ligne. « VSC », comme on l’appelle à la SNCF, est devenu un énorme bébé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 4 millions de visiteurs uniques par mois, 1,16 milliard d’euros de volume d’affaires en 2005, 28 % du train vendu en France… et, pour l’agence de voyages, 65 000 hôtels, 480 compagnies aériennes. Résultat : la croissance gargantuesque de cette filiale à 100 % de la SNCF a bouleversé les canaux de distribution. D’ici à 2007, 30 % des billets de train seront vendus sur le Net. Premiers menacés : les guichetiers. Début 2006, la SNCF a confirmé que 2 300 postes seraient supprimés d’ici quatre ans. Faut-il se désoler ? Mathias Emmerich balaie la question, un peu énervé : « Ça s’appelle le progrès… »
C’est Mireille Faugère qui a converti la SNCF au web. En 1979, elle débutait comme chef de gare à Mantes-la-Jolie. Vingt ans plus tard, directrice adjointe des grandes lignes, elle et quelques collaborateurs font le pari d’Internet. La Net-économie vit alors son heure de gloire. « On a décidé d’investir fort et vite. Je suis partie avec ma valise convaincre le comité exécutif et le personnel. » Juillet 2000, l’aventure commence. Denis Wathier, directeur du marketing de Pierre & Vacances, est débauché pour diriger le site. « Le premier jour, je me suis retrouvé dans l’immeuble de Levallois-Perret [un bâtiment de la SNCF à deux pas de la gare], raconte Denis Wathier, aujourd’hui chef des guichetiers. J’avais un chèque de 100 millions de francs d’un côté et, de l’autre, deux ou trois cheminots. » En interne, la SNCF ne dispose pas des compétences en marketing et en informatique nécessaires pour développer le site. Il faut recruter. « Niveau salaires, nous nous sommes alignés sur les start-up », se souvient Wathier.

Marque capitalisée
« Nous savions qu’Internet pouvait marcher, mais nous n’avions pas anticipé un tel succès », reconnaît aujourd’hui Mireille Faugère, qui dirige désormais la branche voyageurs de la SNCF. Mais selon Guy Raffour, consultant, auteur d’ E-tourisme interactif (éditions La ­Découverte, 2003), le succès de VSC n’a rien d’un miracle. « C’est la réussite logique d’une stratégie alliant vente en gare et vente sur Internet », estime l’expert. « Quand on a lancé VSC, tout le monde disait qu’on allait se planter en pariant sur le nom SNCF, se souvient Denis Wathier. A l’époque, on assurait qu’il fallait un nom à la Travelprice, qui dise tout de suite ce que contient le site. » Sauf que la direction de la SNCF avait eu le nez fin : son nom fait partie du patrimoine national. « Avoir une telle marque, c’est très important pour rassurer les internautes », poursuit Guy Raffour.

Lire la suite de l'article (Challenges.fr)
Le site : Voyages-sncf.com